Définir la néologie terminologique dans les dictionnaires généraux : le domaine de l'informatique analysé par « les foules » et par des professionnels... de la lexicographie
Franck Sajous  1, *@  , Amélie Josselin-Leray  1@  , Nabil Hathout  1@  
1 : Cognition, Langues, Langage, Ergonomie  (CLLE-ERSS)  -  Site web
Université Toulouse 2, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR5263
Maison de La Recherche 5 Allées Antonio Machado 31058 TOULOUSE CEDEX 9 -  France
* : Auteur correspondant

Cette communication porte sur la définition des néologismes de l'informatique dans les dictionnaires généraux (DG) du français. Nous nous intéressons plus particulièrement aux difficultés que pose l'analyse du sens des technolectes au lexicographe. Leur définition dans les DG emprunte en effet sa méthodologie à deux disciplines, la terminologie et la lexicographie, présentées comme différentes ou comme similaires (Alberts, 2001 ; Desmet, 2002). Le choix de l'informatique est d'abord motivé par son évolution rapide et par sa pénétration dans toutes les strates de la vie personnelle et professionnelle. Cette omniprésence fait de ce domaine une interface privilégiée entre langue spécialisée et langue générale où se manifestent des phénomènes tels que déterminologisation, métaphorisation, etc. Le vocabulaire de l'informatique tel que nous l'envisageons inclut diverses catégories aux frontières perméables : technolectes relevant purement de la discipline (pseudo-code, débogueur), phraséologie technique ou déspécialisée (matcher, passer en mode sérieux/détente/week-end/apéro...), vocabulaire du non-spécialiste utilisant l'informatique comme outil (captcha, dézipper), termes banalisés, parfois utilisés à contre-sens (changer le logiciel/reformater le disque-dur dans le discours politique et journalistique), termes devant leur notoriété aux enjeux sociétaux sous-jacents (big data/mégadonnées, cryptomonnaie, ubérisation). Enfin, linguistes et informaticiens, nous pouvons nous positionner comme experts de ce domaine.

Pour « obtenir des informations d'ordre pragmatique sur l'usage, la clarification ou la définition d'un élément » (František, 2003), le lexicographe peut se tourner vers des banques terminologiques ou questionner des experts. L'adaptation au public visé des définitions proposées peut se révéler insatisfaisante, lorsqu'elle conduit par exemple à l'utilisation de termes moins précis ou absents de la nomenclature du DG. La technicité moindre de certaines unités lexicales et leur fréquence raisonnable en corpus généraux peuvent conduire le lexicographe à se passer d'experts. Or certains termes ne sont analysables, du point de vue de leur sens comme de leur connotation, qu'en disposant d'un capital culturel dans la discipline. C'est le cas pour hackathon, dont il conviendrait de contraster les caractéristiques (motivation, participants, institutionnalisation) par rapport à celles de coding-party, jamais entré dans le dictionnaire et pourtant toujours productif : on organise depuis peu des coding-goûters destinés aux enfants. L'attribution d'une connotation positive à hackathon (contrairement à coding-party) pourrait par ailleurs tendre à faire évoluer celle, controversée (Rogers, 2013), de hacker (doué/astucieux vs. irresponsable/délinquant). Comme l'écrit Béjoint (1998), « la plupart du temps, la définition est floue parce que le lexicographe a été en incapacité, ou n'a pas eu la volonté, de délimiter le sens de manière plus précise ».

Dans notre étude, nous comparons les définitions de termes de l'informatique entrés dans le Petit Robert depuis dix ans (2008-2017) à celles qu'en donnent les terminologues (GDT, DicoInfo, Termium...) et des lexicographes amateurs, spécialistes de l'informatique potentiels (Wiktionnaire) ou avérés (JargonF). Nous montrons que la définition des entrées peu techniques est souvent peu informative pour le lecteur si elle ne comporte pas un minimum de développement encyclopédique et que, pour le lexicographe, posséder un arrière-plan culturel est nécessaire pour situer un concept. Enfin, nous montrons que la recherche de neutralité de point de vue peut être contre-productive en termes d'informativité.


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