La création néonymique par transfert paradigmatique : dénominations, métaphores et idéologies
Micaela Rossi  1  
1 : Università di Genova  -  Site web
Piazza Santa Sabina 2 16124 Genova (Italia) -  Italie

Longtemps considéré (du moins dans la vision traditionnelle de la théorie générale de la terminologie d'empreinte wustérienne) comme un simple acte d'étiquetage des concepts, le processus de la dénomination en terminologie jouit récemment d'un regain d'intérêt chez les terminologues, aussi bien que chez les analystes des discours experts (à titre d'exemple, voir Bouveret, 1998 ; Humbley, 2001 et 2012). La dénomination est alors envisagée comme un acte symbolique et sémiotique capital, ayant la possibilité d'influencer non seulement la vision du concept, mais plus largement la conceptualisation du champ épistémique dans lequel le concept est inséré (Siblot, 2001 ; plus récemment Raus, 2013).

Ce pouvoir d'orientation confère à la création néonymique une fonction bien plus cruciale que la simple dénomination de nouveaux concepts, à savoir une force puissante d'orientation de la vision d'un domaine, et finalement un potentiel de manipulation idéologique dans la conceptualisation de secteurs de la connaissance qui ne sont qu'apparemment purement techniques.

Ce phénomène d'orientation idéologique s'avère d'autant plus évident dans les cas de création néonymique par transfert paradigmatique : le poids de la notion de code dans la biologie moderne (Schuhl, 1974), l'impact du modèle thermodynamique dans l'élaboration de la psychanalyse freudienne (Laplanche et Pontalis, 1992), et bien d'autres exemples célèbres de transferts métaphoriques, révèlent combien l'élaboration de nouvelles terminologies par transfert d'un paradigme scientifique et de son vocabulaire à d'autres disciplines puisse influencer non seulement la conceptualisation du nouveau domaine à décrire, mais également et surtout l'idéologie qui en sous-tend la représentation (Gaudin, 2002).

Nous essaierons d'offrir quelques éléments de réflexion à ce propos, par le biais d'un cas d'étude spécifique, à savoir le transfert du paradigme de l'écosystème dans le domaine de l'économie, puis de l'architecture, enfin de la communication numérique. Nous soumettrons également ce cas d'étude à l'épreuve de l'analyse contrastive en anglais, en français et en italien, afin de vérifier d'éventuels écarts linguistiques et culturels dans la transposition métaphorique du paradigme de l'écosystème de son domaine d'origine (l'écologie) à ses domaines d'élection.

Bouveret, M. (1998), « Approche de la dénomination en langue spécialisée », Meta, XLIII(3), 393-410.

Gaudin, F. (2002), Socioterminologie, Bruxelles, De Boeck.

Humbley J. (2001), « Quelques enjeux de la dénomination en terminologie », Cahiers de praxématique 36, 93-115.

Humbley J. (2012), « Retour aux origines de la terminologie : l'acte de dénomination », Langue française, 174, 111-125.

J. Laplanche, J-B. Pontalis (1992), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF.

Raus, R. (2013), La terminologie multilingue : la traduction des termes de l'égalité homme/femme dans le discours international, Louvain-la-Neuve, De Boeck.

Schuhl, P-M. (1974), Le modèle linguistique en biologie selon François Jacob, « Revue Philosophique de la France et de l'Étranger », t. 164, n. 2, 1974, pp. 257-259.

Siblot, P. (2001), « De la dénomination à la nomination », Cahiers de praxématique, 36, 2001, document 8, http://praxematique.revues.org/368


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