Néologismes et emprunts : des relations complexes
Jean-François Sablayrolles  1@  
1 : HTL - Histoire des Théories Linguistiques - UMR 7597  (HTL)  -  Site web
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Université Paris Diderot - Paris 7, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7597
Université Paris Diderot, Bât. Olympe de Gouges, case postale 7034 , 75205 Paris cedex 13 -  France

 

La place de l'emprunt au sein des procédés d'enrichissement du lexique d'une langue varie selon les approches. Parfois c'est une des matrices néologiques. Parfois il s'oppose à la néologie, à laquelle on confie le soin de le combattre (c'est, par exemple, le travail des collèges d'experts dans le dispositif d'aménagement de la langue française hexagonale). Parfois même il disparaît complètement ou presque, absorbé dans la néologie formelle ou sémantique puisque certains ont fait remarquer que tout emprunt est soit formel (binge drinking « cuite express ») soit sémantique (réaliser au sens de « comprendre »). Mais cette dernière dénomination est trompeuse car on emprunte alors un signe complet, dont l'homonymie avec un signe existant dans la langue emprunteuse facilite l'insertion.

Dans la première de ces trois solutions, la plus fréquente, la place que l'emprunt occupe au sein des procédés de création lexicale est également variable : la tripartition traditionnelle formel / sémantique / emprunt s'oppose en particulier à une dichotomie, bien préférable à tous les égards, qui distingue l'ensemble des matrices internes, propres au système de la langue, de la matrice externe, unique, qu'est l'emprunt. C'est l'approche défendue par Jean Tournier dans sa présentation des matrices lexicogéniques de l'anglais. Il s'appuie sur des considérations purement linguistiques et pas du tout puristes (pour stigmatiser les emprunts) dans l'établissement de cette opposition comme premier niveau de classement de sa grille des matrices.

Par ailleurs, si tous les emprunts relèvent de contacts de langues, l'inverse n'est pas vrai et des influences de langues étrangères se manifestent autrement que par l'emprunt : traduction (souris/ mouse), calque (perche à selfie / selfie stick), synthèse néologique (lanceur d'alerte / whistleblower), allogénisme ou faux-emprunt (tennisman), emprunt de structures (Hollande bashing, blonde attitude)...

Ces considérations conduisent à examiner d'un point de vue historique et en synchronie du français contemporain les approches présentes dans quelques ouvrages ou manuels de vulgarisation qui procèdent le plus souvent à des classements croisés des emprunts, par périodes, par langues et par domaines du savoir principalement concernés, sans nécessairement s'interroger sur la diversité des types d'importation de lexies étrangères dans des énoncés : xénisme, pérégrinisme, statalisme, transfert, interférences diverses, etc. à côté des emprunts proprement dits, d'ailleurs toujours plus ou moins adaptés et nécessairement différents de ce qu'ils étaient dans la langue source (ne serait-ce que parce qu'ils ne peuvent pas avoir la même valeur, au sens saussurien).

Nous nous pencherons également sur des polémiques qu'ils ont suscitées ainsi que sur les réactions des usagers, des linguistes et des pouvoirs publics qui ont développé, de longue date, une politique d'aménagement linguistique.

 

 



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