Commentaires épilinguistiques et sentiment néologique : évaluation comparative de quelques néologismes par deux groupes d'étudiants
Helene Favreau  1, *@  
1 : Construction Discursive des Représentations linguistiques et culturelles  (CoDiRe - EA 4643)  -  Site web
Université de Nantes, Université de Nantes
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* : Auteur correspondant

« La langue n'est pas un répertoire immobile [...] Elle est en elle-même le lieu d'un travail incessant » (Benveniste, 1966). Le néologisme linguistique, qu'il soit volontaire ou involontaire, qu'il reste un hapax ou s'installe dans la langue, est sans doute le marqueur privilégié d'une telle dynamique permettant de désigner ce qui n'a, jusqu'alors, pas encore pu être nommé. Tantôt réponse évidente à des besoins langagiers nouveaux, tantôt élément fondateur du pacte colludique (Vorger, 2011) entre locuteur et récepteur, le néologisme relève quoi qu'il en soit en partie de la sphère subjective et affective du langage en ce qu'il est fréquemment source de discussions intersubjectives qui font état, le plus souvent, de désaccords manifestes quant au statut à lui accorder. Ce dernier est d'ailleurs difficile à apprécier. En effet, quels critères président à sa définition ? Un terme nouveau acquiert-il le statut de néologisme sur la simple base de sa reconnaissance comme tel ? de sa morphologie ? de son sens ? de sa propagation ? de sa temporalité ?, ces deux derniers éléments s'avérant être des « propriétés fondamentales du néologisme » (Bouzidi, 2010).

L'on est alors à même de constater que ces interrogations, si elles intéressent tout particulièrement le linguiste, débordent le champ strictement scientifique pour trouver une place dans les discours ordinaires des locuteurs non-spécialistes. Ceux-ci s'emparent en effet de plus en plus des questions linguistiques, notamment lexicales, pour exercer leur activité métalinguistique, voire épilinguistique (Canut, 2007). Comment de tels commentaires transparaissent-ils dans leurs propos et que nous révèlent-ils de la perception du phénomène néologique (abordé ici seulement du point de vue morphologique) et, plus largement, des représentations que les locuteurs se font de l'objet-langue ?

Afin de tenter de répondre à ces questions qui se trouvent au croisement de la lexicologie/lexicographie et de la sociolinguistique, notre propos prendra appui sur l'analyse de discours épilinguistiques sollicités auprès de deux groupes d'étudiants (français et étrangers) pour tenter d'appréhender la façon dont s'opèrent chez ces deux populations la catégorisation et l'acceptation (ou non) du néologisme en français à partir d'exemples lexicaux qui leur sont présentés. Nous verrons ainsi que, contre toute attente, bon nombre de discours dénotent, sinon un certain purisme ou une tendance à l'hypernormativité, au moins un attachement fort à l'idiome maternel chez nos locuteurs français. Le corpus permettra aussi de mettre en avant qu'il n'en va pas nécessairement de même chez les apprenants du français qui perçoivent les mêmes néologismes de manière beaucoup moins évaluative. Cette ambivalence des positionnements quant au sentiment néologique (Sablayrolles, 2002) chez ces deux populations non-spécialistes donne un aperçu des représentations et de l'imaginaire qui entourent la langue et contribue à l'éclairage d'une facette de la linguistique populaire.



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